LE PROCESSUS DE CONCEPTION DES PRODUITS

par Ruedi Flück

La plupart des articles de sport que nous achetons aujourd'hui se distinguent par une qualité tout à fait irréprochable et remplissent leur fonction dans leur domaine d'application respectif. En raison du pouvoir d'achat élevé en Suisse, de nombreuses personnes consomment des produits qui dépassent largement leurs besoins. Ainsi, de nombreuses vestes en Gore-tex ne sont que rarement exposées à de fortes pluies et sont même détournées de leur fonction première pour être perçues comme des passionnés d'activités de plein air lorsqu'ils se rendent au bureau. Les produits ne sont donc pas choisis par les consommateurs uniquement pour leurs caractéristiques techniques, mais aussi en fonction du style de vie que représentent les vêtements et leur marque.

Pour les fabricants d'articles de sport, cela signifie qu'ils doivent suivre les tendances actuelles et donc être "branchés". Chaque année, de nouveaux produits sont lancés et leur conception et leur commercialisation sont sans cesse réinventées. Ce changement ne concerne pas seulement les produits eux-mêmes, mais aussi toute l'image d'une marque. De nos jours, on met par exemple l'accent sur la durabilité de la production afin de rendre les produits plus attrayants.

Un essai graphique avec un langage visuel utilisable à cet effet.

Mais nous laissons cette dernière thématique de côté dans le cadre de cet article. Au printemps 2021, l'entreprise de ski suisse Movement a elle aussi ressenti le besoin de se présenter sous un nouveau jour et de repenser fondamentalement sa communication graphique et sa conception.

Pour la saison d'hiver 2022/23, la marque a été entièrement redessinée, du logo aux produits. Nous voulions examiner en détail un processus aussi profond, compte tenu du thème de ce magazine. Pour ce faire, nous nous sommes entretenus avec Bertrand Breme et l'équipe de Movement au sujet de ce processus, et notamment de la transformation graphique. Bertrand est designer de produits et conseiller en entreprise.

Prise en compte de l'histoire

Au début, je m'imaginais que "redessiner un logo" signifiait qu'après l'attribution d'un mandat dans un bureau branché, des personnes ayant du goût et de l'habileté prendraient une feuille de papier vierge et se mettraient à dessiner frénétiquement - et qu'à la fin, le/la client/e choisirait le meilleur parmi les différents projets. Bertrand m'a expliqué que ce n'était pas si simple. Dans un cas comme celui de Movement, on ne part pas de zéro, mais on travaille pour une entreprise qui existe depuis 20 ans avec succès : ce parcours doit être pris en compte dans le processus de reconception.

"Movement a joué très tôt un rôle de pionnier sur le plan technique et a été implanté en Suisse dès le début. L'environnement géographique de la Suisse et sa culture ont eu une influence non seulement sur la conception de la marque, mais aussi sur la manière dont les décisions sont prises dans le travail quotidien.
Movement possède également sa propre usine et est donc très libre de décider de la manière dont ses produits sont fabriqués. Tout cela doit être pris en compte lorsque l'on envisage de redessiner l'image d'une marque".

Le point de vue de l'intérieur et de l'extérieur

C’est vraiment presque comme le travail d’un thérapeute. On arrive dans une entreprise qui fonctionne en soi et on commence à poser des questions. Cela peut parfois se heurter à des résistances.
— Bertrand Breme

Le grand public ne perçoit la marque en soi qu'à travers ses produits et la communication qui l'entoure, c'est-à-dire de "l'extérieur". Si l'on introduit cette "vision extérieure" dans l'entreprise pour un re-design de la marque, la vision de la marque est totalement différente de celle des collaborateurs qui travaillent depuis longtemps dans l'entreprise et qui connaissent les produits sur le bout des doigts. Cette vision extérieure a également posé des défis à Bertrand en tant que conseiller pour le re-design de Movement : Il a d'abord dû beaucoup échanger avec les collaborateurs de l'entreprise pour obtenir leur "point de vue interne".

"Il ne s'agissait pas de révolutionner la marque, mais d'évoluer avec elle. Par la force des choses, on n'a pas les mêmes idées et visions que le fondateur de la marque, qui est au cœur de l'action depuis 20 ans. Les seules influences que j'ai eues sur ma perception de la marque sont le marché du ski et les sports d'hiver. C'est un domaine que je connais bien. Il est non seulement logique mais aussi souhaitable d'avoir des discussions et des débats sur ces différentes perceptions".

Thérapie et lâcher prise

En fait, c'est un peu comme une thérapie de couple. Après 20 ans de relation, le sentiment que quelque chose ne va plus tout à fait comme il faut surgit silencieusement et insidieusement et on demande conseil à l'extérieur. Il se peut que l'on ne puisse plus se mouvoir avec suffisamment de souplesse sur le sentier battu pour assurer la relation, ou le chiffre d'affaires de la marque, pour les années à venir.

"C'est vraiment presque comme le travail d'un thérapeute. On arrive dans une entreprise qui fonctionne en soi et on commence à poser des questions. Cela peut parfois se heurter à des résistances. C'est exactement ce que nous avons constaté lors de notre processus de re-design. Lorsque j'ai présenté les nouveaux concepts de forme et de couleur, on m'a souvent dit "Oui, mais Movement n'a jamais fait ça comme ça". "Mais nous sommes maintenant en train de changer les choses" ai-je alors répondu "et il est nécessaire de faire des choses qui n'ont jamais été faites auparavant". Le rôle d'une marque est aussi de proposer des nouveautés qui n'existaient pas auparavant".

Étude de style pour la FLY TWO

Consensus et résultat

"Nous n'étions pas toujours du même avis. Nos discussions ne portaient pas seulement sur les produits finaux, mais aussi sur la manière de les concevoir. Tous les participants doivent se mettre d'accord sur une méthode de conception. Celle-ci doit être "libre" d'une part et structurée d'autre part. La méthode doit être adaptée à la marque et aux personnes qui la représentent, sinon l'ensemble ne fonctionne pas. Pour Movement, nous avons opté pour le "design suisse". Il est inspiré de l'école de Zurich et nous avons ensuite adapté ce style à la marque".

Le développement de l'esthétique de Movement va maintenant dans la direction suivante pour la saison 2022/23 : intemporelle, claire et géométrique. Le début du remaniement s'est fait par les produits eux-mêmes, ce qui n'est pas habituel. Normalement, on commence par le logo et la présentation générale de l'entreprise. Dans ce cas, l'équipe de design de Movement autour d'Yves Maillard a commencé par établir différentes lignes de produits.

Ce n'est que plus tard que l'identité globale et le logo ont été trouvés et adaptés. "On doit pouvoir reconnaître très rapidement qui a fabriqué le produit. Nous parlons ici de branding, afin que les skis soient directement reconnaissables par rapport aux autres marques. Nous avons défini pour nous que le logo devait toujours être placé au même endroit. De même que les spécifications techniques seront toujours au même endroit. Les restrictions entraînent la créativité, dit-on. Et c'est justement la particularité du "design suisse" : avoir le logo toujours au même endroit est une telle restriction, mais laisse libre cours à la créativité dans d'autres aspects".

Ruedi Flück